Tricks - Un conte d'été polonais

Affiche Tricks - Un conte d'été polonais
Réalisé par Andrzej Jakimowski
Pays de production
Genre
Acteurs Jennifer Peedom
N° cinéfeuilles 581

Critique

Provoquer le destin pour donner une réponse à son besoin d’amour… Le deuxième film du réalisateur polonais éclaire comme les premières fleurs de printemps, dans le champ d’une société qui oublie les valeurs humanistes.

TRICKS est beau comme un poème. Andrzej Jakimowski, réalisateur polonais, n’en est qu’à son deuxième long métrage (après SQUINT YOUR EYES, en 2003, plusieurs fois récompensé). Mais déjà son regard d’artiste prouve qu’il mérite sa place dans le cercle des grands. Ce film est une étape lumineuse dans l’année cinématographique qui s’achève et distribue, sans même en avoir la prétention, une douceur dans laquelle puiser sans compter, juste à l’aube de Noël.

C’est l’histoire de Stefek (Damian Ul). Ce garçonnet de 6 ans vit avec sa mère et Elka, sa sœur de 17 ans (Ewelina Walendziak), dans un appartement délabré d’une petite ville polonaise. Le père a abandonné la famille qui se débrouille tant bien que mal, comme le font tous ses voisins: chichement. Pas de jeux électroniques pour Stefek qui a bien d’autres préoccupations. Comment faire revenir son papa à la maison? Un jour, il découvre que le destin donne parfois quelques signes intéressants, il va donc le tenter en enchaînant les paris pour parvenir à ses fins.

Dans le décor misérable de cette bourgade, plus rurale que citadine, il n’y a aucune place pour la recherche esthétisante. Les immeubles sont dégradés, les rues mal ordonnées, les boutiques peu avenantes. Vingt ans après la chute du mur de Berlin, la Pologne conserve de grandes parenthèses de l’époque communiste. Pour la population, cela signifie une vie dépourvue de tout artifice: où irait-on le chercher? Le bonheur est donc à chercher au fond de soi et dans les relations avec les autres.

Pour Stefek, tout irait plutôt bien. Voilà un enfant intelligent, observateur, capable de s’occuper des heures durant grâce à une imagination qui n’a pas été étouffée par la surabondance de jouets. Mais il y a le père absent, dont sa jeune sensibilité capte qu’il n’est pas seul à mesurer le manque. Pour le réalisateur, cet enfant est une mine d’or. Il le dirige avec tant de doigté que la symbiose entre l’acteur et le personnage est parfaite. On dirait que Jakimowski filme, sans le prévenir, un enfant dans sa vraie vie. Les mimiques de Damian Ul sont un régal de fraîcheur et de naturel, sans jamais que l’enfant ne cherche à séduire son public

Le réalisateur n’a pas moins de chance avec Elka, la sœur aînée. Voilà encore un rôle fort, celui d’une adolescente qui n’a rien perdu des étoiles de l’enfance, bien que la vie l’ait déjà fait entrer dans l’âge adulte. Responsable et courageuse, jolie et simple, elle est un guide attentif pour son petit frère. Mais que lui se mette à interpréter de prétendus signes, et la voici partante pour le jeu. Son père lui manque à elle aussi. Le réalisateur voit bien comment le vide parental influence les âges différents de la vie. Ses portraits sont précis, justes, observés à la bonne distance et bien plantés dans des images qui allient le lyrisme et la simplicité.

Entre les jeux, les bêtises, les rendez-vous ratés, les espoirs et les désillusions, TRICKS est une histoire qui enfile une robe de fée pour suivre Stefek. Peut-on jouer ainsi avec le destin? C’est la grave question posée par l’enfant. Mais comme ce fameux destin semble tourner vers lui un œil attendri, on veut bien s’y laisser prendre aussi et voler à ce conte polonais une pincée de la sagesse et de la poésie dont il déborde.

Geneviève Praplan