Mère (La)

Affiche Mère (La)
Réalisé par Antoine Cattin, Pavel Kostomarov
Pays de production
Genre
Acteurs Jennifer Peedom
Age légal 16 ans
Age suggéré 16 ans
N° cinéfeuilles 574

Critique

«Brut de décoffrage» et cependant bien monté, le récit de Lioubov, mère russe de neuf enfants, prend aux tripes. On fait la connaissance de cette femme à bord d’un train traversant des paysages désolés, racontant sa vie cahotique - mais pas chaotique, car elle s’efforce d’en garder le contrôle -, son récit illustré par des inserts montrant son quotidien.

Lioubov (le mot veut dire amour, en russe) sourit envers et contre tout. D’un sourire édenté, témoin de la mouise dans laquelle elle se débat. A 14 ans, pour un litre de vodka, elle a été vendue par sa mère prostituée à un premier homme. D’autre se sont succédé, partageant sa couche et quelques mois ou années de son existence puis l’abandonnant avec un ou quelques enfants de plus. Elle survit tant bien que mal dans un kolkhose de la région de Novgorod, dans des conditions que ne semblent pas avoir changé depuis le temps des tsars. Trayeuse électrique et quelques appareils ménagers mis à part, la modernité ne semble pas avoir atteint cette cambrousse où tout le monde patauge littéralement dans le lisier: pas de casquettes de base-ball visière sur la nuque, pas de fringues à la mode, mais une alimentation fruste, des «plaisirs» primitifs. Par contraste, le dispensaire prend des allures d’hôpital universitaire...

Filmé avec une mini-caméra numérique, le documentaire, dont le tournage s’est étendu sur trois ans, surprend par le naturel de ses personnages; le spectateur, sans voyeurisme, a vraiment l’impression d’être aux côtés d’une mère-courage admirable de persévérance et d’espoir, au milieu d’une famille qu’elle porte à bout de bras. Lioubov est comme le petit cheval blanc du poème de Paul Fort; on lui souhaite de ne pas finir dans un grand éclair blanc. Quand bien même elle se fait peu d’illusions sur sa longévité, elle ne cesse d’aller de l’avant, image emblématique de la mère rassemblant et protégeant ses enfants.

A juste titre, le documentaire d’Antoine Cattin et Pavel Kostomarov a été moult fois distingué et n’est pas passé inaperçu lors du Festival de Locarno. Les «piornes» de chez nous verraient avec profit une famille attachante qui donne à son insu une belle leçon de cran.

Daniel Grivel