Promesses de l'ombre (Les)

Affiche Promesses de l'ombre (Les)
Réalisé par David Cronenberg
Pays de production U.S.A., Grande-Bretagne, Canada
Année 2007
Durée
Musique Howard Shore
Genre Thriller
Distributeur Metropolitan FilmExport
Acteurs Vincent Cassel, Viggo Mortensen, Naomi Watts, Armin Mueller-Stahl, Jerzy Skolimowski
N° cinéfeuilles 557
Bande annonce (Allociné)

Critique

Le Canadien plonge dans la noirceur de la mafia russe et met son esthétique au service d’un thème qui lui est cher: la dualité de l’être humain.

Nikolai (Viggo Mortensen), principal protagoniste des PROMESSES DE L’OMBRE, évolue dans le sens inverse de celui de Tom, époux comblé dans HISTORY OF VIOLENCE. Dans ce précédent opus de David Cronenberg, on découvrait que Tom (déjà Viggo Mortensen) n’était pas le père de famille tranquille que l’on croyait. Nikolai, lui, part de ses comportements de truand sans âme pour accéder à des sentiments plus humains.

Dans une réalisation magistrale, le cinéaste canadien porte sur la mafia russe qui sévit à Londres un regard rouge sang. Pourtant, malgré son intérêt, ce sujet n’est que le décor d’une vérité qu’il excelle à démontrer: la dualité de l’être humain. C’est, une nouvelle fois, une œuvre puissante, violente et crue sur le bagage d’horreur et de cynisme que transporte en lui chaque individu et contre lequel, parfois, une vie entière ne suffit pas à lutter. Pas un coup de feu n’est tiré, mais la chorégraphie des couteaux est parfois insoutenable. Cronenberg met en scène une sorte de poésie de la violence; son esthétique sert la démonstration d’une réalité.

Anna (Naomi Watts) est infirmière dans un quartier londonien où vit une forte communauté russe. Peu avant Noël, une adolescente vient mourir dans son hôpital en accouchant d’une petite fille. Anna se sert du journal intime de la défunte, écrit en russe, pour tenter de retrouver sa famille. C’est ainsi qu’elle arrive au luxueux restaurant de Semyon (Armin Mueller-Stahl), où elle croise Kirill (Vincent Cassel, poignant), fils du propriétaire, et son chauffeur Nikolai. Les deux hommes lui font très mauvaise impression, mais pas assez pour qu’elle soupçonne dans quel milieu elle pose les pieds, celui du trafic de personnes.

La candeur d’Anna est agaçante, dans un premier temps. Pourtant, n’est-ce pas celle de n’importe quel profane, à sa place, tant la cruauté du milieu est difficilement imaginable? Cruauté, barbarie même, qu’aucune règle ne limite. Autour se bousculent les sentiments d’amour/haine, propres à la famille, le lieu où tout commence. Kirill est un raté et ne pourra pas faire honneur à son père en reprenant ses affaires. Nikolai, lui, n’a pas de parents; il s’est donné une identité en se tatouant tout le corps - témoignage des épreuves qu’il a franchies: obédience à une hiérarchie occulte, prison, cachot - et espère trouver sa famille dans l’organisation criminelle de Semyon. Anna vit chez son oncle. Le bébé qu’elle veut sauver n’a pas de nom.

S’il y a ambiguïté dans la famille, c’est parce que celle des individus qui la composent est sans limite. On va voir Nikolai se laisser effleurer par l’histoire d’Anna, puis glisser dans un état de sympathie dont il devra trouver comment sortir. Quel magnifique comédien que Viggo Mortensen, jouant sur le fil du rasoir, trompant son monde avec une étourdissante compréhension de son personnage.

On va voir encore cette dualité, lors de la rencontre inattendue et tragique entre Kirill et le nourrisson, quand l’enfant renvoie à l’adulte son image d’innocence, de monde perdu. Comment, d’un bébé souriant, devient-on un Kirill ou un Nikolai? Comment garde-t-on, in extremis, un peu de cette innocence, puisqu’il est encore possible de pleurer? C’est le génie du réalisateur canadien que de dissimuler derrière un réalisme sans tabou, une connaissance profonde de l’âme humaine.

Geneviève Praplan