Dignité du peuple (La)

Affiche Dignité du peuple (La)
Réalisé par Fernando E. Solanas
Pays de production Argentine
Année 2005
Durée
Genre Documentaire, Drame
Distributeur trigonfilm
Acteurs Fernando E. Solanas
Age légal 10 ans
Age suggéré 14 ans
N° cinéfeuilles 539
Bande annonce (Allociné)

Critique

Avec MEMOIRE D'UN SACCAGE (2005) Fernando Solanas avait cherché à démonter les mécanismes politiques qui ont conduit l'Argentine au désastre économique de 2001. Son dernier film, LA DIGNITE DU PEUPLE, montre comment une partie de la population a dû affronter les problèmes du chômage et de survie, dès 2002. Le cinéaste parle ici de la volonté et du pouvoir de résistance des ""nadies"", c'est-à-dire des plus démunis, littéralement qui n'ont rien (nada).

Le parcours de Fernando Solanas est celui d'un battant. Depuis 1967 (L'HEURE DES BRASIERS), il lutte contre les abus du pouvoir et la désinformation, à travers documentaires ou films de fiction (LE SUD, LE VOYAGE, LE NUAGE, etc.) Pour lui, la caméra est une arme de combat.

Avec LA DIGNITE DU PEUPLE, Solanas ne procède plus à l'analyse du fonctionnement du monde politique argentin - même si la critique des mécanismes de l'engrenage néo-libéral est toujours là. Il braque maintenant sa caméra sur les plus démunis, sur une population défavorisée qui subit de plein fouet la crise économique, ainsi que sur les organisations sociales qui tentent de trouver des solutions de fortune au chômage et à la pauvreté.

Le film est une véritable leçon de survie: Solanas part à la recherche des ""nadies"", ceux que l'Histoire a laissés au bord de la route et qui sont contraints de se débrouiller avec presque rien. Le ton est juste, le regard porté par le cinéaste est celui d'un témoin attentif, bien décidé à montrer la légitimité des actes de résistance sociale de ces petites gens, de ces citoyens qui se débattent dans la pauvreté.

Son film s'articule autour de quelques personnages, de quelques événements. Par petites touches, dans toute l'Argentine, apparaissent des hommes et des femmes qui s'efforcent de relever la tête et de retrouver leur dignité. On fait ainsi la connaissance de Martin: grièvement blessé lors d'une manifestation, il a été sauvé par Toba, un enseignant qui, avec sa femme, a transformé sa propre maison en cuisine publique, ouverte à tous les voisins. On croise aussi un couple d'un quartier pauvre de Buenos Aires qui fait preuve d'une débrouillardise stupéfiante, réussissant à accueillir et nourrir 200 enfants par jour. On assiste - Solanas a repris plusieurs séquences télévisées et tournées lors des événements - aux manifestations, aux cortèges de protestation, aux grèves, à la répression policière.

Se dégagent par moments de cette évocation des difficultés de la vie - et de sa violence terrible aussi - des signes de solidarité. Il y a là quelques bouffées d'espoir. Ce sont des campements organisés pour aider ceux qui manifestent dans la rue, où les moindres biens sont mis en commun. C'est le courage d'une paysanne qui a décidé de ne pas plier devant les pratiques usuraires adoptées par les banques qui spolient et exproprient: elle réunira autour d'elle d'autres victimes de ces malversations et créera un véritable réseau, de plus en plus large et puissant, parvenant à entraver les procédures et à bloquer les ventes aux enchères.

Certains constats faits par Solanas sont accablants: des parents avouent ne plus envoyer leurs enfants à l'école, des représentants du personnel hospitalier montrent la situation catastrophique des hôpitaux, d'autres racontent la mort d'un jeune homme victime de bavures policières. Rien d'encourageant là-dedans, mais de petits signes de résistance et de solidarité sont pourtant bien visibles. A l'instar de ces ouvriers de Patagonie qui ne veulent pas abdiquer et assurent, avec le soutien de la collectivité locale, la survie d'une entreprise qui avait déposé son bilan. ""J'ai voulu révéler les petites victoires quotidiennes des laissés-pour-compte, les actions solidaires qui démontrent que ce monde peut être changé"", précise Solanas. Sans doute faudra-t-il encore du temps...

Film tourné en caméra numérique, LA DIGNITE DU PEUPLE est un coup de projecteur à la fois pudique et critique sur un monde qui s'efforce de survivre. La caméra capte finement la réalité, en saisit l'essentiel. Le montage rigoureux de ce documentaire, signé par un très grand cinéaste, est parfait, et son commentaire explicatif judicieux: LA DIGNIDAD DE LOS NADIES n'est pas un film comme les autres, et ne laissera personne indifférent.

Antoine Rochat

Appréciations

Nom Notes
Georges Blanc 15
Daniel Grivel 15
Georges Blanc 18
Antoine Rochat 17
Anne-Béatrice Schwab 17