The Queen

Affiche The Queen
Réalisé par Stephen Frears
Pays de production France, Grande-Bretagne, Italie
Année 2006
Durée
Musique Alexandre Desplat
Genre Drame, Historique, Biopic
Distributeur Pathé Distribution
Acteurs James Cromwell, Helen Mirren, Michael Sheen, Alex Jennings, Roger Allam
N° cinéfeuilles 534
Bande annonce (Allociné)

Critique

"Stephen Frears soulève le protocole britannique sur une reine Elizabeth douloureusement ébranlée par la mort de son ex-belle-fille.

Tony Blair (Michael Sheen) est premier ministre depuis trois mois lorsque Lady Diana se tue à Paris dans un accident de voiture. La disparition tragique de l'ex-épouse du prince Charles frappe le monde entier. Perdue entre protocole et ressentiments, Elisabeth II (Helen Mirren) est incapable de prévoir l'onde de choc que provoquera cette mort. Pour le fringant locataire du 10 Downing Street, l'occasion de faire son entrée en scène est... royale. Comment rapprocher la reine de son peuple en larmes?

Il faut, d'emblée, souligner la performance d'acteur comme l'un des points marquants de ce film. Choisir des comédiens qui devront incarner des personnages vivants, dont le portrait a fait le tour du monde, n'est pas chose facile. Stephen Frears s'en tire haut la main. Helen Mirren et Michael Sheen sont confondants. Pour le spectateur, le malaise que pourraient susciter de faux vrais visages s'estompe vite. Il peut alors entrer de plain-pied dans l'ampleur d'une œuvre étonnante, parfaitement filmée, judicieusement découpée entre scènes de fiction et images vidéo d'archives.

C'est la première fois que ce spectateur pourra pénétrer ainsi dans l'intimité de la reine d'Angleterre. Tel est le pari du réalisateur qui va le tenir jusqu'au bout et le gagner. Aidé par le regard perspicace du scénariste Peter Morgan, Stephen Frears fait de THE QUEEN un délice de finesse. Appuyé sur un travail de documentation fouillé, dense, il s'approche au maximum de la réalité de ses personnages, de leurs inquiétudes et de leurs atermoiements.

Comme tout est facile quand le protocole verse régulièrement de l'huile dans les rouages! Mais quel désarroi quand plus rien ne fonctionne! C'est alors que se révèlent les fragilités d'une personnalité, si royale soit-elle. Femme autant que reine, trop jeune quand il lui a fallu monter sur le trône, Elizabeth (éblouissante Helen Mirren) ne parvient plus à appeler la solution toute faite du rituel. On voit passer les nuages sur son front tandis qu'affleure, aussitôt refoulée, une sensibilité corsetée par la monarchie.

C'est avec autant de subtilité que le réalisateur et Michael Sheen construisent le personnage d'un Tony Blair. Sa relation avec la reine, subie jusque-là, s'inverse soudainement et s'impose sous la forme d'un partenariat dans lequel le premier ministre trouve sa grandeur. Homme de gauche, volontiers ironique quand il s'agit de Buckingham, il évolue à la fois par opportunisme et par compassion pour la reine.

Le ton du film balance entre humour et gravité. La façon de vivre est compassée, les événements sont dramatiques. C'est la conjonction de ces deux éléments qui rend l'attitude d'Elizabeth si délicate. Stephen Frears le rappelle en douceur. Il repousse l'étiquette, soulève le protocole et montre une famille. Ce n'est probablement pas ainsi que les royalistes considèrent les Windsor. C'est probablement ainsi qu'ils sont.

Au-delà de ce constat, plus bienveillant qu'agressif, THE QUEEN rappelle une autre réalité dont l'évolution est réellement inquiétante. C'est la place prise par le ""people"", pour parler français. La mort de Lady Di, si tragique qu'elle ait été, méritait-elle l'accablement international qu'elle a entraîné? Non, assurément. Ce n'est d'ailleurs pas la princesse de Galles qu'on a pleurée, mais l'image de rêve qui l'entourait, romance construite jour après jour par les journaux mondains.

Il existe un accord tacite entre cette foule sanglotante et la presse de boulevard. Que cet accord puisse renverser un régime, voilà qui n'est pas une bonne nouvelle pour la démocratie."

Geneviève Praplan