Critique
Film intimiste turc, NUAGES DE MAI est dédié à Anton Tchékov. C’est en effet un film à lire, à regarder, et l’on y retrouve les tonalités et la nostalgie propres à l’écrivain russe. Second long métrage de Nuri Bilge Ceylan et présenté l’an dernier au Festival de Berlin, NUAGES DE MAI n’a rien d’une entreprise à finalité commerciale. Produit avec un petit budget, il ressemble, par sa forme et son approche, à l’œuvre d’un cinéaste comme Abbas Kiarostami. Le film propose un récit fortement implanté dans la Turquie d’aujourd’hui. Il y a sans doute des éléments autobiographiques dans cette histoire d’un cinéaste (Muzaffer Ozdemir) qui, un jour de mai, rentre à Yenice, un village d’Anatolie où il a passé son enfance. Il cherche à intégrer ses parents dans le film qu’il se propose de tourner sur place, mais père et mère ne manifestent que peu d’enthousiasme à cette idée et peinent à entrer dans les rôles assignés. Le père en particulier (le propre père de N. B. Ceylan) ne parvient pas, malgré les consignes et la multiplication des répétitions, à entrer dans la peau de son personnage, et cela parce qu’il a l’esprit ailleurs: il craint, pendant qu’il est éloigné de chez lui, que l’Etat ne lui confisque une forêt de chênes qu’il a lui-même plantés il y a soixante ans.
Antoine Rochat