Square (The)

Affiche Square (The)
Réalisé par Ruben Östlund
Pays de production Suède, Allemagne, Danemark, France
Année 2017
Durée
Genre Comédie dramatique
Distributeur xnix
Acteurs Dominic West, Elisabeth Moss, Claes Bang, Terry Notary, Christopher Læssø
Age légal 14 ans
Age suggéré 14 ans
N° cinéfeuilles 777
Bande annonce (Allociné)

Critique

Le réalisateur suédois signe un film aussi original qu’exigeant, qui sonde rudement la société et la responsabilité individuelle. Il a obtenu la Palme d’Or du dernier Festival de Cannes.

Ruben Östlund note un changement d’attitude dans la société. Naguère, chacun était prêt à donner un coup de main à quiconque le lui demandait. «Aujourd’hui, explique-t-il, l’idée générale est que l’adulte représente une menace. Je suis moi-même un pédophile possible, avant d’être une aide éventuelle.» Il le démontre dès le générique de son film. Quelqu’un distribue des tracts aux passants: êtes-vous prêts à sauver une vie? Personne ne réagit.

Christian (Claes Bang) traverse la place à ce moment-là; le voilà bousculé par une femme affolée. Le temps de réaliser ce qui lui arrive, on lui a volé son téléphone et son portefeuille. Pour les retrouver, il tente une manœuvre peu glorieuse. En même temps, au musée où il travaille, il prépare une exposition d’art contemporain sur le thème du «square». Un carré de quatre mètres de côté est délimité comme lieu symbolique dans lequel n’importe qui peut entrer pour demander du secours. Le vol et le concept de l’exposition interagissent, plaçant le conservateur face à ses échecs et à ses responsabilités.

The Square est un film puissant, troublant, singulier, qui met en cause la société des nantis. Un scénario solide, une mise en scène habile démontrent combien les attitudes du sympathique conservateur de musée sont généralisables. Ainsi se développe une histoire qui accumule les situations douteuses, ouvre de multiples pistes, accroche par l’épaisseur de sa charge.

Parce qu’il s’occupe bien de ses filles, qu’il roule en voiture électrique - de luxe -, qu’il est attentif à ses collègues et que ses expositions sont engagées, Christian croit faire de son mieux. Or, le confort du milieu abrutit; il place les individus dans une bulle d’où le reste du monde apparaît négligeable. Les nombreux plans où se côtoient riches et mendiants (et migrants!) le rappellent sans cesse.

Lorsque la journaliste (Elisabeth Moss), objet de plaisir, ou le gamin accusé de vol réclament une réponse simple, Christian n’y comprend rien; ce type d’incident n’entre pas dans sa configuration. De même quand les collaborateurs du musée imaginent la vidéo qui lancera l’exposition, nul ne songe aux répercussions du contenu, seule compte la provocation qui amènera du public.

Intimement lié à la fortune, l’art contemporain est jaugé lui aussi. Répond-il à l’esthétique ou au snobisme, quelle valeur lui accorder, est-ce de l’art que de poser un sac sur le plancher d’un musée? Les arts plastiques ont servi le besoin de représentation pendant des siècles. Aujourd’hui, ils sont devenus interprétation du monde. Dans ce sens, les accrochages du musée de Christian soulèvent des interrogations fortes. Celle de la liberté d’expression, par exemple.

Le film est trop long, mais il passe trop vite. Dans un décor froid d’angles parfaits, le propos est caustique et l’humour subtil. Tout a un sens, trop de sens, dans le cadre et surtout hors champ. La densité des questionnements ne laisse pas de répit; perdrait-elle en force si les scènes étaient raccourcies? Il faudrait voir The Square plusieurs fois pour assimiler toutes les critiques qu’il propose. Il s’agit au fond de dépister la médiocrité que dissimule le discours lustré de la richesse.

Geneviève Praplan


Le musée d’art contemporain local a de l’audace : il ose recevoir des expositions qui laissent songeur et se cachent – ou se révèlent, c’est selon – derrière des notes d’intention que d’aucuns prendront pour du blabla. Le grand timonier de ce navire expérimental, moqué ici avec humour, c’est Christian, père de deux filles et dont il s’occupe lorsque c’est son tour, par devoir plus que par affection. Alors qu’il est sur le point de lancer une exposition événement « The Square » (le carré) destinée à ouvrir un espace restreint de bienveillance où se conjuguent droits et devoirs, il se fait voler portefeuille, téléphone portable et boutons de manchettes. Les bons sentiments qu’il professe y survivront-ils ou sombreront-ils dans sa quête pour récupérer ses biens ? Jusqu’où la direction du musée soutiendra-t-elle son directeur artistique lorsque cette nouvelle exposition est lancée par une vidéo douteuse ? La misère du monde peut-elle être mise en œuvre ?

Les questions fortes ne manquent pas. Ce sont tant celles portant sur l’art contemporain, audacieux, iconoclaste, dérangeant que celles relatives à la communication à outrance et à la nécessité absolue de créer le buzz sur la toile. Les valeurs tant individuelles que collectives sont remises en question : esthétiques, bien sûr, mais aussi morales liées au pouvoir et à l’aisance matérielle. A partir d’un scénario original, il est vraiment bienvenu le regard corrosif que pose sur notre société avide de culture le réalisateur de Snow Therapy.

Serge Molla

Serge Molla

Appréciations

Nom Notes
Geneviève Praplan 18
Serge Molla 16
Adèle Morerod 14
Nadia Roch 13
Antoine Rochat 18
Georges Blanc 10