Party (The)

Affiche Party (The)
Réalisé par Sally Potter
Pays de production Grande-Bretagne
Année 2017
Durée
Genre Drame, Comédie
Distributeur filmcoopi
Acteurs Bruno Ganz, Kristin Scott Thomas, Timothy Spall, Emily Mortimer, Patricia Clarkson
Age légal 12 ans
Age suggéré 12 ans
N° cinéfeuilles 773
Bande annonce (Allociné)

Critique

Rarement huis-clos aura été aussi prenant! Avec son dernier film, la discrète mais essentielle Sally Potter nous offre un plaisir devenu rare: celui d’assister à la confrontation entre des acteurs magistraux. Une manière de remettre le jeu au cœur du film, dans tous les sens du terme.

A l’occasion d’un grand événement, Janet (Kristin Scott Thomas) et Bill (Timothy Spall) réunissent quelques-uns de leurs amis. Ce petit monde intellectuel, où féminisme et principes plus ou moins cyniquement assénés sont la règle, va pourtant vite tourner au chaos. Les révélations en cascade font se fissurer les masques… jusqu’à l’effondrement?

Sally Potter a débuté dans le cinéma expérimental dès les années 70, construisant au fil des décennies une œuvre extrêmement personnelle, qui place la femme au centre. De Orlando (1992) au plus récent Ginger & Rosa (2012), elle explore en effet les contours de cette étrange créature, son rapport au monde et surtout aux hommes. Il n’est donc pas étonnant de retrouver en toile de fond de The Party des questionnements similaires. Mais en disant cela, on n’épuise de loin pas la richesse foisonnante de ce film, qui aborde classes, idéologies et relations avec intelligence et rythme.

Car si la réalisatrice nous livre ici un film de facture tout à fait classique, elle en fait une utilisation parfaite. Un noir et blanc étincelant, des cadrages inventifs qui jouent avec le cloisonnement des décors, des répliques qui fusent, tout est là pour laisser pleinement se déployer le talent des comédiens. Tous, ils se répondent, s’opposent et s’entredéchirent, faisant du constant renversement des rôles un jeu savoureux et captivant. Chaque protagoniste se retrouve en effet à un moment ou un autre confronté à ses limites, à tout ce qu’il se refuse à être ou croire. Et le spectateur fait de même, tandis que ses appréciations basculent au gré des échanges.

Mais The Party est aussi un film construit autour de ce qu’on ne voit pas. Le hors champ de l’image où les personnages continuent d’évoluer répond à celui des récits de vie de chacun d’entre eux. Cette capacité à cristalliser tous les rapports autour de l’absence et du non-dit rappelle le Chaînes conjugales de Joseph L. Mankiewicz (1949) ou encore La Chatte sur un toit brûlant (Richard Brooks, 1958), où les affrontements sont familiaux mais non moins violents. Au sein des tensions grandissantes, la réalisatrice dessine discrètement les contours de ce vide, bien plus concret qu’on ne le croit. Et de tous les autres qu’il suppose. La dernière image disparue, on ne souhaite dès lors qu’une chose: pouvoir redéployer le film dans tous ses sens afin de les poursuivre.

Enfin, rarement une œuvre aura été une telle déclaration d’amour à ses interprètes, Kristin Scott Thomas et Patricia Clarkson, magnifiques et puissantes, en tête.

Adèle Morerod