Argentina

Comment filme-t-on la musique? Par les instruments, les visages, le musicien et son instrument en entier? Les trois? Et la danse? Découpe-t-on les corps pour donner à voir tous les gestes compliqués qui pourraient échapper à notre œil ou bien garde-t-on une continuité afin de préserver le mouvement dans sa totalité? Ces questions sont inévitables devant le dernier  film de Carlos Saura.

Alors que le réalisateur nous entraîne dans un voyage à travers les musiques argentines, il annonce dès les premiers plans quelle sera sa position: le dispositif sera visible et omniprésent. C’est ainsi qu’il promène sa caméra - et le spectateur - de groupes en groupes, de morceaux en morceaux, dans des espaces scéniques toujours renouvelés mais modulés au sein d’un studio unique. A l’intérieur de ce cadre particulier, les visages, les instruments, les corps sont eux-mêmes recadrés par des fonds lumineux, découpés par des miroirs, multipliés par des écrans. Seule la musique traverse le film intacte, transcendant les limites et recréant plus que tout le reste une certaine image de l’Argentine et de son histoire. Dès lors, à quoi bon faire un film là où le son se suffit à lui-même ? Quand bien même le tout se laisse voir sans ennui, la question demeure, car les procédés employés par Saura ne dépassent finalement guère ceux des simples retransmissions de spectacles (que l’on peut maintenant venir admirer en direct dans les salles). Seul le bel hommage rendu aux artistes, présents comme disparus, dont les visages et les corps habités par la musique sont magnifiques à regarder, pourrait justifier en partie un tel choix esthétique. Pour le reste, on ne peut s’empêcher d’attendre davantage du cinéma.