Amours ennemies

Affiche Amours ennemies
Réalisé par Werner Schweizer
Pays de production Suisse
Année 2013
Durée
Genre Biopic
Distributeur xnix
Acteurs Fabian Krüger, Mona Petri
Age légal 14 ans
Age suggéré 14 ans
N° cinéfeuilles 696

Critique

L'eau et le feu, le catholique conservateur et la féministe, la Bâloise et le Haut-Valaisan: ainsi pourrait être résumé le couple improbable pour l'époque formé par Iris Meyer et Peter von Roten. Une histoire qui méritait d'être mise au jour.
Pour bien des féministes d’aujourd’hui, le nom d’Iris von Roten n’évoque rien. Ce fut pourtant une combattante hors normes qui s’est battue dès les années 50-60 pour l’égalité des droits entre hommes et femmes, concernant aussi bien les droits civiques que l’égalité des salaires - toujours pas réalisée aujourd’hui en Suisse! -,pour l’éducation des enfants qu’elle souhaitait prise en charge par des professionnels extérieurs (garderies, nounous, etc.), et aussi pour le droit au plaisir des femmes!

Née à Bâle en 1917 dans une famille protestante, Iris Meyer choisit d’étudier le droit. Ses études la mènent à Berne où elle rencontre Peter von Roten, intellectuel valaisan descendant d’une famille noble élevé dans des principes rigides, qui deviendra son mari après avoir dûment accepté qu’elle ne se convertisse pas au catholicisme ni ne s’occupe du ménage. Elle arrive avec ses idées frondeuses et son caractère bien trempé en plein Haut-Valais ultra-conservateur qui estime que «la vache doit rester à l’écurie et se laisser traire»...

En 1957, elle écrit un livre de plus de 500 pages, Femmes dans un parc pour bébés, qui lui attire les plus virulentes critiques et la marginalise radicalement. Son mari, entré très jeune en politique et qui préside le Grand Conseil valaisan, la soutient contre vents et marées, acceptant même sa fuite d’un an en Amérique où elle choisit de parfaire sa formation, de vivre sa vie et d’explorer sa sexualité. Devenu le plus jeune conseiller national du pays, Peter von Roten militera activement pour le droit de vote des femmes qui n’entrera en vigueur qu’en 1971!

Le cinéaste Werner Schweizer a choisi de raconter ce parcours exceptionnel, se basant sur le livre de l’historien Wilfried Meichtry et l’épaisse correspondance – plus de 1'500 lettres - que les deux amoureux ont échangée. Il mêle très judicieusement fiction tournée avec des acteurs, images d’archives, photographies et vidéos de famille, et témoignages, notamment celui d’une amie d’Iris mais aussi celui de sa belle-sœur, et surtout celui de sa fille, qui explique comment elle a vécu dans l’enfance son fréquent placement en famille d’accueil ou en internat. Werner Schweizer a aussi recueilli les confidences de l’ancienne secrétaire d’Iris von Roten, qui ne la comprenait pas toujours et la désapprouvait secrètement, et celui de Maurice Chappaz qui l’a bien connue.

L’actrice Mona Petri (qui interprète Iris, tandis que Fabian Krüger incarne Peter) a su avec justesse restituer le caractère audacieux et difficile de son personnage, à la fois insupportable, parfois arrogant, vulnérable mais solide et résistant aux critiques et aux blessures. On éprouve de l’admiration pour une telle ténacité et pour la justesse de ses combats, quand bien même on ne se sent pas vraiment en empathie avec elle. Le film est une inestimable leçon d’histoire qui restitue à un couple exceptionnel son combat pour des changements de société qui semblent aujourd’hui mieux acceptés, voire pour certains même entrés dans les mœurs, notamment à la suite des mouvements féministes et libertaires des années 1970 qui ont repris sans le savoir les idées de la pionnière Iris von Roten tout en les rendant moins radicales. Le film à coup sûr fait réfléchir sur des problématiques toujours d’actualité, et pour lesquelles il n’y a pas de réponses stéréotypées.

Werner Schweizer, né en 1955 à Kriens, est auteur, réalisateur, producteur et viticulteur. Il a fait des études de sociologie, journalisme et littérature populaire européenne à l'Université de Zurich. Depuis 1973, il travaille dans la vidéo et le film. Il est le cofondateur du centre vidéo et coopérative Videoladen, Zurich («Züri brännt») et en 1994 de l'entreprise de production Dschoint Ventschr AG, avec Samir et Karin Koch.
Werner Schweizer a coproduit l'«atelierzerodeux» lors de l'expo 02 à Bienne (2001-2002) et est également actif dans la politique cinématographique suisse, entre autres comme conseiller de fondation de la Cinémathèque Suisse à Lausanne et membre du conseil d'administration de la société pour les droits d'auteur Suissimage.

Appréciations

Nom Notes
15
Daniel Grivel 18
Geneviève Praplan 18
Antoine Rochat 13
Anne-Béatrice Schwab 15