L'édito de Serge Molla - Films, vos papiers, svp!

Le 07 mars 2012

Alors que les grand-messes du septième art ont été dites - entendez les cérémonies des Césars et des Oscars 2012 -, un paradoxe se fait jour. Et cela au moment même où les superlatifs envahissent les déclarations et les articles de presse pour parler, se réjouir et encenser le triomphe de THE ARTIST, autrement dit du cinéma français.

Mais est-ce vraiment la France qui se retrouve au pinacle suite au succès du film de Michel Hazanavicius? Est-ce vraiment l’Hexagone qui est au cœur de cette réalisation évoquant avec talent la fin du cinéma muet, les débuts du parlant et les époustouflantes comédies musicales dont Hollywood aura le secret, mais qui le fait quasiment sans user de la langue française? Ou est-ce Martin Scorsese qui, pour raconter l’audace et la créativité des tout premiers cinéastes, propose un récit, HUGO CABRET, qui se déroule à Paris dans les années 30 et célèbre le génie de Georges Méliès?

Le paradoxe est que le caractère français ou la célébration dudit pays ne se lient peut-être pas à l’origine d’une production. Déterminer l’origine d’un film, c’est bien sûr d’abord en préciser les sources financières, tout du moins majoritaires. Mais à tant vouloir remplir la case «nationalité» pour tel ou tel film, on finit par évincer ce qui fait l’essentiel du long métrage, jusqu’à risquer de suggérer lamentablement qu’une œuvre revêtirait plus de valeur qu’une autre parce que son origine… Or, aujourd’hui plus encore qu’hier, les collaborations internationales, les échanges et les brassages culturels sont constants et participent au mouvement de mondialisation. Au point que, finalement, l’écho qu’est susceptible de trouver une œuvre forte, de cinéma ou autre, dépasse toutes les frontières. Aussi, à cet égard, réjouissons-nous de l’accueil réservé à UNE SEPARATION de Asghar Farhadi, récompensé en France et aux Etats-Unis tant pour sa qualité artistique que pour la réflexion qu’il propose. Réjouissons-nous, car cette réalisation rappelle, si besoin est, qu’une œuvre véritable, bien au-delà de sa nationalité encensée ou dénoncée, rejoint son spectateur au plus profond, là où les origines se dissolvent : au cœur de son humanité.

Serge Molla (CF 654)