L'édito de Serge Molla - Mystère de la création

Le 15 décembre 2017

La création artistique passionne, quel que soit l’art concerné. Peinture, sculpture, littérature, art lyrique, chanson, musique, danse, théâtre, cinéma..., les réalisateurs tentent d’en percer les mystères.

Voyez plutôt: La Passion Van Gogh (Dorota Kobiela et Hugh Welchman), Gauguin - Voyage de Tahiti (Edouard Deluc), Pollock (Ed Harris), Maria by Callas (Tom Volf), Rodin (Jacques Doillon), Final Portrait (Stanley Tucci, sur Giacometti), Amadeus (Milos Forman, sur Mozart), De-Lovely (Irwin Winkler, sur Cole Porter)...

La tentative d’honorer l’apport de créateurs n’est pas nouvelle, mais paraît s’accentuer. Pourtant plus on se rapproche du mouvement du pinceau, de la tenue du burin, du regard posé sur le modèle ou perdu bien au-delà, plus on voit les notes noircir la partition ou le mouvement habiter l’espace, plus l’explication s’échappe. La muse a beau hanter l’atelier ou conduire au désespoir en son absence, les commandes se guetter ou affluer, les proches comprendre ou subir, rien n’y fait: la gestation de l’œuvre résiste à la démonstration.

N’en va-t-il pas au fond des artistes majeurs comme des grandes figures telles Mohandas Karamchand Gandhi (Gandhi), Oskar Schindler (La Liste de Schindler), l’abbé Pierre (Hiver 54), Nelson Mandela (Invictus)? Bien difficile d’expliquer pourquoi tel homme, telle femme a déployé sans compter sa compassion, sacrifié ses intérêts ou tout donné pour que justice triomphe…, à l’inverse du crime ou de l’abject que des blessures non cicatrisées (enfance massacrée, abandon sans appel…) semblent expliquer.

Redoutable alors de faire voir la naissance du processus créatif. Même Henri-Georges Clouzot (Le Mystère Picasso) n’y est pas parvenu malgré sa complicité avec le génie, jusqu’à filmer l’œuvre en train de se faire et de se défaire.
Ludwig Hohl notait donc avec raison: «Il [l’artiste] courait le monde pour trouver des couleurs, mais son choix ne tombait jamais juste. Tout était compliqué, rien n’était vivant. La bonne couleur, il ne la trouva que du jour où il se mit à écrire avec son sang. Dès lors tout fut simple.»

Autant dire que le mystère de l’œuvre demeure, quelle que soit la beauté de l’image qui renvoie à son créateur.

Serge Molla