L'édito de Antoine Rochat - Présence de la violence

Le 15 novembre 2017

La qualité de certaines grosses productions - avant tout américaines - est parfois discutable: science-fiction retorse, fantastique débridé, aventures, horreur se nourrissent de violence, à la limite de la surenchère et du supportable. La Tour Sombre, Ça et Mother en sont peut-être quelques exemples récents.

La presse et les médias s’en émeuvent parfois, surtout lorsque l’actualité tragique rejoint la fiction (ou l’inverse). Il pleut du sang sur les écrans de cinéma, certes, mais il en pleut aussi ailleurs, sur les écrans des jeux vidéos qui ne lésinent pas en la matière. Il y a une bonne quinzaine d’années le Parquet de Paris avait ouvert une enquête pour «provocation au meurtre non suivi d’effets» contre une publicité vantant un jeu vidéo plutôt glauque qui venait de sortir, du nom de Carmageddon: au volant d’un bolide, il s’agissait, pour le joueur, d’écraser un maximum de piétons; chacun était invité à monter sur les trottoirs et «à faire gicler» le plus de passants possible (y compris les enfants). Quatre innocents transformés en un seul coup de volant en corps inertes vous valaient un gros «bonus»…

Depuis, l’actualité a largement rattrapé la fiction et l’on continue à ferrailler sur les écrans. Et si les films de violence ou de terreur ne sont pas nécessairement synonymes de succès commerciaux (cf. les titres ci-dessus), les grandes recettes financières proviennent souvent de films qui en sont porteurs.

On pourrait pousser la réflexion plus loin, et certains chercheurs n’ont pas hésité à le faire en signalant qu’il existe parfois de curieuses coïncidences: les gestes commis par des acteurs de faits divers sanglants semblent - pesons les termes - être des copies, ou tout au moins paraissent avoir trouvé une source d’inspiration dans ceux de héros de bandes dessinées ou de longs métrages. On pensera, par exemple au film Tueurs-nés, où la seule solution pour se tirer d’affaires est de liquider l’autre.

Il y a bien sûr des cinéastes qui ont choisi de critiquer la violence et qui la dénoncent (on pense à Funny Games, d’Haneke), mais on peut se demander aussi si la mise sur écran d’une violence qu’on veut dénoncer - il faut bien la montrer pour pouvoir la critiquer - n’est pas porteuse d’effets secondaires. Peu ou prou fiction et réalité continueront à se renvoyer la balle.

Antoine Rochat