L'édito de Antoine Rochat - Sites internet, blogs et critiques de films

Le 08 septembre 2016

Le cinéma, on le sait, se transforme rapidement. On tourne un film avec son téléphone portable (LowCost (Claude Jutra) - L. Baier), ou en faisant étalage de tous les procédés numériques (Jason Bourne - P. Greengrass), tandis que des distributeurs vous offrent un film completsur votre ordinateur avant même sa sortie en salle (Lights out - D.F. Sandberg)…

Et la critique cinématographique là-dedans? Elle se modifie aussi, avec la multiplication des sites Internet et l’apparition des «blogs», ces lignes personnelles que l’on peut découvrir sur la Toile et qui permettent de partager ses propres impressions avec des amis ou des inconnus.  Mais si de tels «blogs-critiques» étaient au départ teintés de modestie, ils sont devenus souvent des messages qui se prennent au sérieux : le «blogueur» parle à la première personne, comme s’il était
partie prenante de la destinée et de la carrière d’un film.

L’industrie du cinéma a bien compris l’intérêt de laisser une place à ces intervenants spontanés : il y a tout bénéfice financier à tirer de cette publicité gratuite. Mais quel avantage pour le cinéphile ? Si l’accès aux blogs ne coûte rien, si la critique sous cette forme reflète certainement la multiplicité des opinions, l’information transmise n’obéit pas toujours à l’objectivité souhaitée. Ou de ce qui s’en approche. De telles lignes souffrent souvent d’une spontanéité un
peu débridée, où l’affirmation subjective prend le pas sur la réflexion. On rétorquera que de tels commentaires peuvent aussi être à l’origine d’une forme d’interactivité et d’échange social. A vérifier…

La critique cinématographique traditionnelle - celle des journaux, celle des revues et bulletins spécialisés - survit pourtant. Elle s’efforce de répondre à la demande de lecteurs cinéphiles qui souhaitent avoir une vue d’ensemble, régulière et rapide, de tous les
films qui sortent sur nos écrans. Mais peu importe finalement le support (papier ou écran), l’essentiel est d’être informé
correctement.

Avec Ciné-Feuilles, ou son site, il y a un petit «plus» : nos lecteurs ont certainement acquis avec le temps une connaissance assez précise de la
personnalité de chaque signataire. Les subjectivités, on le sait, s’y côtoient, et chacun de nous a sa façon d’aborder un film et de porter un jugement : intelligence du scénario, jeu des acteurs, qualités esthétiques de l'oeuvre, caractère novateur de l’écriture, tableau social pertinent, portée éthique, politique, arrêtons-nous là. Ne dit-on pas que l’objectivité est aussi la résultante de toutes les subjectivités qui se côtoient...?

Antoine Rochat