L'édito de Philippe Thonney - Quand la censure sévit...

Le 26 mars 2016

Grande nouvelle! Vient enfin de sortir en DVD, après des années d'attente inexpliquée, l'excellent film d'Yves Boisset Le juge Fayard dit le Shériff, avec Patrick Dewaere. Sorti en 1977, ce film revenait sur l'assassinat du juge Renaud survenu deux ans plus tôt. Un sujet en or pour Boisset, courageux créateur d'un cinéma engagé, social et politique.

Rappelons qu'il dénonça les violences policières (Un Condé, 1970), le racisme (Dupont-Lajoie, 1975), l'absurdité militaire (R.A.S., 1973, Allons z’enfants, 1981), ou la télé-poubelle (Le Prix du danger, 1983).

Ceci pour dériver vers une réflexion sur quelque chose dont Boisset fut très souvent victime: la censure. En France, dans les années 60, il s'agissait d'une censure d'Etat, dirigée par un Ministre (en l'occurrence une grenouille de bénitier réactionnaire nommée Raymond Marcellin), ayant un droit absolu de vie et de mort sur les films, et étant extrêmement chatouilleuse dès qu'un sujet était un minimum subversif. Un documentaire sur l'avortement fut ainsi interdit, et même détruit.

Il y eut plusieurs exemples cocasses montrant à quel point cette censure était ridicule et contre-productive: l'interdiction de sortie infligée par l'Etat à Un condé, par exemple, excita tellement la curiosité du public qu'il se rua en masses dans les salles lorsque le film sortit enfin; en 1966, le cinéma français était représenté à Cannes par La religieuse de Jacques Rivette, un film interdit en France!

Aujourd'hui la censure n'existe plus, en théorie. Mais dans les faits elle est bien là, exercée par les chaînes de télé assujetties au pouvoir en place, qui décident ou non de soutenir un projet, et sont tout aussi chatouilleuses. "Je mets le public au défi de trouver dans les 20 dernières années un seul film français qui soit réellement dérangeant, réellement insolent", déclarait récemment Yves Boisset. Certes, dans ses combats, le cinéaste n'a jamais été adepte de la tiédeur et des demi-mesures. Mais a-t-il tout à fait tort ?

Philippe Thonney