L'édito de Antoine Rochat - Pour une poignée de dollars…

Le 03 février 2016

S. Spielberg, Q. Tarantino, et aujourd’hui A. G. Inarritu : depuis quelques semaines le cinéma made in USA occupe le terrain. Mais on a surtout assisté à l’arrivée fracassante de la grosse artillerie cinématographique américaine avec Star Wars : Le Réveil de la Force de J. J. Abrams : tout y est, le western, la violence, le fantastique, le virtuel, le numérique et les effets spéciaux.

On sait que ce film – ses recettes ne se comptent pas en centaines de milliers de dollars mais en millions – s’est pointé comme le blockbuster le plus attendu de tous les temps, et qu’il sera sans doute un très grand succès financier. On parle déjà d’un recette de 514 millions pour le premier week-end de sortie aux Etats-Unis, et l’on avance un chiffre futur de 1,5 milliard de dollars… Avatar et Titanic n’ont qu’à bien se tenir.

Star Wars : Le Réveil de la Force, grosse entreprise s’il en est, est pourtant une sorte de colosse aux pieds d’argile : qu’en serait-il resté si l’on avait révélé «urbi et orbi» et avant sa sortie les secrets, les clés, les noms des personnages et le fin mot de l’histoire ? Et que se serait-il passé si la critique cinématographique n’avait pas été en quelque sorte muselée et n’avait pas respecté l’embargo strict exigé avant les premières projections publiques ?

Le distributeur avait clairement affiché sa volonté de contrôler le contenu des articles rédigés après la sortie du Réveil de la Force. Le formulaire que doivent signer les journalistes désireux d’assister à la projection de presse  leur demandait en effet «de ne pas révéler d’éléments-clés du scénario afin de laisser intact le plaisir des futurs spectateurs». Pour ne pas nuire au film bien sûr, pour ne pas déflorer le nœud de l’intrigue, pour ne pas briser le suspense, pour ne pas nuire aux fantasmes et surtout pour ne pas perdre des spectateurs… On a même laissé entendre par ailleurs que des logiciels avaient été installés sur Google pour analyser les pages internet ouvertes et les bloquer si l’on estimait qu’elles risquaient de contenir des renseignements sur l’Episode VII de la saga… L’angoisse des distributeurs était donc de se faire pirater : il s’agissait pour eux, et par tous les moyens, de maintenir le mystère.
Et de protéger ainsi le tiroir-caisse. Pour une poignée de dollars…

Antoine Rochat