L'édito de - Quand une comédie dénonce la condition des femmes

Le 09 septembre 2015

Mélangeant les codes du documentaire et ceux de la fiction, la réalisatrice tunisienne Kaouther Ben Hania dénonce, dans son film Le challat de Tunis, le machisme des hommes tunisiens et leur mépris récurrent de la femme.

Elle le fait à travers l’histoire d’un homme qui, il y a dix ans, attaquait les femmes en leur balafrant les fesses au rasoir parce qu’elles avaient un jean trop serré ou une jupe trop courte qu’il considérait comme une provocation.

Dans la salle lausannoise où l’on projetait le film en avant-première, un homme ronflait tranquillement alors que j’avais la gorge nouée en découvrantla condition actuelle de la femme tunisienne–«Toutes des salopes sauf ma mère !» comme l’affirme l’un des hommes dans le film - dans un pays du Maghreb longtemps à l’avant-garde de l’émancipation féminine. Mais voilà, les extrémistes semblent avoir déclaré la guerre aux femmes et les violences conjugales restent la première cause d’agressions physiques et de décès des Tunisiennes entre 16 et 44 ans, comme l’a déclaré récemment le ministre tunisien de la Santé, Mohamed Salah Ben Ammar. Sous couvert d’ironie et d’humour plutôt noir, la réalisatrice nous donne de sérieuses raisons de s’inquiéter.

J’apprécie ce genre de films qui sonnent l’alarme sans en avoir l’air, se parant du titre de «comédie » pour mieux tromper l’ennemi, de pouvoir dire la vérité sans être victime de la censure ou des préjugés et de s’assurer un public généraliste et pas forcément féministe, qui n’aurait pas été voir un vrai documentaire sur les injustices sociales et la discrimination sexiste.

Nicole Métral