L'édito de - L’une aime, l’autre pas...

Un film est souvent perçu de façon complètement différente selon que l’on a 30 ou 60 ans. Prenez LE RUBAN BLANC de Michael Haneke, qui a reçu la Palme d’Or du Festival de Cannes en 2009: à l’époque, je suis allée le voir avec ma fille, la trentaine.

Je suis ressortie de la projection complètement bouleversée, incapable d’articuler le moindre mot. C’était comme si l’éducation rigide qui régnait encore dans mon enfance me revenait en pleine figure, comme si les ravages de la guerre que j’avais entrevus dans les yeux apeurés de Heidrun et de Holle, deux petites filles autrichiennes accueillies dans ma famille par l’entremise de la Croix-Rouge, projetaient à nouveau leurs ombres inquiétantes.

A la sortie de la projection, ma fille a tout de suite trouvé les mots pour qualifier le film de remarquable sur le plan cinématographique. Moi, j’étais tout à fait incapable d’émettre la moindre considération sur ce film dont les images en noir et blanc m’avaient fait retrouver les grandes peurs que j’avais vécues quand je savais que j’allais être punie pour une bêtise. Depuis ce temps-là, l’éducation selon Françoise Dolto s’est imposée, de même que la génération qui prônait qu’il est interdit d’interdire. La guerre était un chapitre clos, désormais enfermé dans les livres d’histoire.

Récemment j’ai vu le dernier film du même réalisateur autrichien, AMOUR. Sacré Haneke, dont les films nous trottent dans la tête longtemps après qu’on les a vus et qui nous font réfléchir. Une fois encore, on voit son dernier film différemment, selon qu’on a 30 ans ou beaucoup plus. Je suis ressortie de la projection d’AMOUR touchée par sa grâce et sa justesse et son réalisme bouleversant. J’ai ressenti le besoin de rappeler à mon compagnon mes désirs au cas où je devrais me dégrader au point de ne plus pouvoir le supporter. Une amie, que j’encourageais à aller voir le film, a refusé, m’expliquant qu’elle n’avait pas envie d’entrevoir son avenir en noir. Ma fille, elle, a carrément refusé de suivre mon conseil. Une histoire de vieux et de fin de vie, cela ne la tentait absolument pas. Elle préfère revoir LE SEIGNEUR DES ANNEAUX ou les HARRY POTTER en compagnie de son fils aîné. Histoire de rêver encore un peu...

Nicole Métral (CF 670)