L'édito de Georges Blanc - Ciné-Feuilles, mode d’emploi

Le 08 février 2013

A entendre nos proches, il semble que nombreuses sont les personnes qui se réfèrent aux appréciations par étoiles que leur quotidien préféré publie chaque semaine à propos de la cote des films programmés en Suisse romande.

De trois à quatre étoiles leur suggèrent qu’elles ne devraient pas rater tel ou tel film, alors qu’il serait impensable de passer à côté d’un cinq étoiles, sous peine d’être pris pour un inculte. Le hic, c’est que si l’on s’en tient, par exemple, à la cotation publiée il y a une quinzaine de jours dans l’hebdomadaire Guide-TV-Cinéma, il faudrait passer une semaine entière dans une salle obscure, tant les étoiles y abondent! Sur trente-deux films mentionnés, vingt-cinq d’entre eux obtiennent en effet une moyenne supérieure à trois étoiles.

D’où vient de la part des journalistes cette quasi-unanimité dans l’attribution de ces étoiles? Peut-être s’agit-il d’une reconnaissance de qualités que l’on peut déceler il est vrai en chaque œuvre cinématographique. Plus vraisemblablement cependant, faut-il admettre que les critiques de cinéma, et d’art en général, sont soumis à des contingences d’ordre publicitaire et mercantile. De plus, si un cinéaste accorde une interview d’une certaine importance à un journaliste, ce dernier serait malvenu de «démolir» ensuite son film. Ainsi, il paraît bien que l’indépendance de la critique cinématographique ait des limites.

Ce qui fait la particularité de CF, dans son approche du cinéma, c’est précisément sa totale indépendance. Laquelle se manifeste, bien sûr, dans les analyses plus ou moins fouillées que nous faisons de tous les films qui sortent en Suisse romande, mais aussi dans le large éventail des appréciations que nous formulons en deuxième page de notre périodique. Nous le disions dans un de nos récents éditos, il semble que cette page de notes influence une bonne partie de nos lecteurs. Or, il se trouve que ce tableau d’appréciations, reflétant la diversité d’opinion des rédacteurs de Ciné-Feuilles, ne ressemble absolument pas à celui des critiques de cinéma de nos journaux. Inutile de dire que nous en sommes heureux!

C’est aussi l’occasion de rappeler que l’enjeu d’une publication telle que la nôtre voudrait que nous soyons aussi bien les promoteurs d’un cinéma de qualité que les tenants d’une certaine ligne de conduite. Au-delà d’une cinéphilie qui nous guette tous, il est vrai que nous avons aussi à défendre un cinéma qui reflète, si ce n’est toujours une certaine spiritualité, du moins des valeurs authentiquement humaines. D’où l’utilité de nos appréciations. Même si l’on sait que le cinéma est quelque part le miroir de notre société, il n’est pas certain que cette société soit toujours celle que nos convictions souhaitent.

Georges Blanc (CF 674)