L'édito de Georges Blanc - Grand public ou cinéphiles?

Le 12 février 2014

A l’instar de la plupart des revues de cinéma, Ciné-Feuilles vous a proposé dans son numéro du 15 janvier la liste des dix films préférés de ses collaborateurs. Une fois de plus et sans surprises, cette liste ne correspond en aucune manière à celles émises par les revues de cinéma people.
Cette constatation nous renvoie à la problématique de la mission et de l’influence de la critique cinématographique, qu’elle soit d’ordre éthique, esthétique ou simplement informatif.

Il est vrai qu’il faut faire la distinction entre la critique émanant de la presse people ou de notre quotidien habituel, qui se borne le plus souvent à informer et à susciter l’intérêt, et la critique propre aux revues spécialisées, laquelle se doit d’analyser et de porter un jugement de valeur.
De fait, ces critiques s’adressent à des lecteurs différents. Le lecteur que nous qualifierons de cinéphile attend du journaliste spécialisé qu’il soit suffisamment compétent pour le guider dans ses choix culturels et l’aider à faire le tri entre le médiocre et l’excellent. Libre à lui ensuite de porter un jugement sur l’opinion du journaliste. A l’opposé, le public dit «grand» se contentera d’être informé, se bornant à être sensible aux haut-parleurs de la publicité ou à la célébrité d’un acteur. C’est ainsi que Gilles Jacob parlait d’une critique qui paraphrasait les films et d’une autre qui «disait» le cinéma.
A chacun de se retrouver dans ses attentes, d’une part sans prétendre toujours reconnaître son avis dans celui des critiques spécialisées et, d’autre part, sans perdre son propre esprit de jugement, mais aussi sans passer sous un silence gêné son simple et légitime plaisir de spectateur. On rappelait récemment ce mot d’André Gide: «C’est si bon de pouvoir ne point mépriser ce que la foule admire».
Si l’on sait que, l’année dernière, la fréquentation des salles a été en recul, il est cependant réjouissant d’apprendre que si cette baisse touche essentiellement le cinéma des blockbusters, des grosses productions, des films à effets spéciaux, le cinéma que l’on qualifiera d’art et d’essai, lui, n’est pas touché par ce recul. Voilà qui nous encourage à ce que notre revue continue à prendre en compte les aspects les plus larges de la critique cinématographique et que, tout à la fois informative et porteuse d’appréciation qualitative, elle puisse inciter à faire les meilleurs choix.

Georges Blanc