Prendre le pouls du monde à Nyon

Le 07 mai 2014


Le Festival international de cinéma  qui s'est découlé du 25 avril – 3 mai 2014 à Nyon marquait cette année un double anniversaire, celui de 45 ans du Festival international de cinéma Nyon et de la 20ème édition de Visions du réel. Pour la première fois, ce sont plus de 30’000 spectateurs qui ont assisté à l’ensemble des projections,

VDR2014 DelphineSchacher PrixVDR 02 - copiesoit 17% d’augmentation par rapport à l’an passé, comme sont plu à le souligner le directeur artistique Luciano Barisone et le président dudit Festival Claude Ruey. 51 pays ont été représentés lors de cette édition qui, dans son Palmarès, a fait la part belle aux films latino-américains, moyen-orientaux et en provenance d’Europe de l’est. A noter encore que, pour la première fois, le Prix Maître du réel a été décerné à Richard Dindo pour l’ensemble de son œuvre, qui fait actuellement l’objet d’une rétrospective à la Cinémathèque suisse de Lausanne.

Ce Festival offre une manière de prendre le pouls du monde, avec ses espoirs et ses craintes. Il ne cesse de mettre en lumière des « petits », des « oubliés » au niveau individuels ou collectifs.  Hier, le documentaire donnait certainement davantage de leçons, s’impliquait davantage politiquement, aujourd’hui, l’accent est souvent ailleurs, soulignant l’humanité en quête de repères et de reconnaissances, mais il n’en est pas moins nécessaire.

Longs métrages en compétition internationale

Bugarach de Salvador Sunyer, Ventura  Durall, Savator Sunyer, Espagne/Allemagne
Autour de la date du 21 décembre 2012, une rumeur insistante circule : la fin du monde aura lieu dans le tout petit village français. Trois réalisateurs sont sur place  six mois avant le non événement et y reviennent régulièrement pour montrer comment les villageois vivent cette éphémère célébrité, matinée de fausses craintes et de superstitions en tout genre. Entre documentaire et fiction – tant les suggestions aux personnages retenus et le montage, pour ne pas dire le chapitrage –, Bugarach apparaît comme une lecture comique d’une blague lancée par un maire et un journaliste, canular ayant pris des dimensions totalement inattendues et révélatrices d’une société en mal de solides repères spirituels.

Café de Hatuey Viveros Lavielle, Mexique
Sesterce d’or attribué au Meilleur long métrage de la Compétition internationale – Mention spéciale du Jury interreligieux
Entre le service funèbre du père et l’anniversaire de sa mort,  chaque membre se souvient et poursuit son chemin. Le fils termine son Master de droit et se montre bien décidé à exercer comme avocat auprès desCafe2 populations indigènes nahuas, pauvres et arnaquées, l’une de ses sœurs de 16 ans, enceinte doit décider si elle veut garder l’enfant ou aller avorter en ville, la maman soutient, écoute et conseille. Au cœur d’un quotidien nappé de religion catholique, une famille  mexicaine de Cuetzalan fait face aux aléas de la vie et ignore la caméra qui pourtant l’expose avec une vérité troublante.

Cenotaphe de Audrius Stonys, Lituanie/France
Soixante-dix ans après que trois soldats, deux Russes et un Allemand, ont été enterrés en cachette  par un paysan lithuanien, son fils tente de retrouver les corps afin de leur accorder une véritable sépulture. Suspens d’une difficile recherche archéologique, tant les souvenirs du lieu sont incertains. Occasion d’évoquer la guerre et de révéler la bureaucratie qui enfouit tout autant que la terre. Les hommes creuseront longtemps, mais finalement, n’est-ce pas en eux-même ? Et la dignité s’obtiendra-t-elle alors mêmes que les trois dépouilles resteront anonymes ? Cette réalisation atteste de l’humain et de sa volonté non seulement de savoir et de comprendre, mais de respecter au-delà des haines passées.
   
Desert Haze de Sofie Benoot, Belgique/Hollande
L’Ouest américain offre des paysages que chacun connaît ou croit connaître tant il a servi et sert de décor au cinéma de fiction. Canyons, plaines désertiques à perte de vue, nature aride, terre desséchée, sable, DesertHaze2cailloux...

Aussi pour découvrir autrement ces contrées, la réalisatrice belge propose de le lire comme un livre dont on tournerait les pages. Certaines sont célèbres, comme la conquête des premiers immigrants pétris de religion que quelques descendants rappellent en empruntant à nouveau certaines pistes, d’autres tragiques comme celles appartenant à la mémoire indienne, ou musicale avec ses heurts qui ont tant marqué le folksong d’un Jimmy Rogers. Certaines pages ont même été oubliées, déchirées, voire volontairement dissimulées, comme celles qui relatent l’internement en camps des Américains d’origine japonaise suite à l’attaque de Pearl Harbour ou celles capables de lister tous les essais militaires nucléaires qui s’effectuèrent loin des regards importuns… Cependant le désert porte la trace de tous ces événements, de tous ces drames, de tous ces rêves. Plus encore que les hommes, la nature a gardé mémoire et, pour qui sait lire et en prend le temps, tout ou presque est là, à déchiffrer. Hésitant entre traduction attentive, via quelques témoins ou chercheurs, et road movie, tous les clichés ne sont pas évités et un film plus court aurait certainement gagné en efficacité.

Domino Effect de Elwira Niewira et Piotr Rosolowski, Allemagne/Pologne
Prix du Jury interreligieux
Ah, l’amour ! Pour vivre aux côtés de Rafael, ministre des sports d’Abkhazie, Natasha, chanteuse d’opéra, a quitté son mari, ses enfants et sa carrière en Russie. Mais il n’est pas plus simple pour cette femme d’êtreDominoEffect2 acceptée dans un nouvel environnement que pour cette jeune république d’être véritablement largement reconnue. Filmée de près, cette histoire d’amour, avec ses moments d’exaltation et ses tensions, sert donc très habilement de métaphore politique dans un décor où tout rappelle la guerre qui hante encore bien des mémoires. Ici, la réalité dépasse la fiction, grâce à un habile montage qui tout à la fois permet de découvrir un lieu qui connut son heure de gloire (à l’époque de l’URSS) et qui aujourd’hui est le terrain d’un championnat du monde surréaliste de dominos.

Endless Escape, Eternal Return de Harutyun Khachatryan, Arménie/Hollande/Suisse
Le drame de l’Arménie tient au fait que ses habitants émigrent  suite au terrible tremblement de terre, à la guerre du Haut-Karabagh et à la dissolution de l’URSS. Parmi eux, un homme qui exerça bien des métiers, dont celui de metteur en scène, et qui porte en lui un pays où il ne vit plus, mais où il aimerait un jour reposer. En le suivant sur une longue période de vingt-cinq ans, on assiste au destin tragique d’un être au riche potentiel, mais qui est aujourd’hui habité par une désillusion dévorante. L’homme reste un conteur magnifique qui revit en évoquant notamment ses démêlés mémorables avec un ours. Néanmoins, ses récits toucheront plus les Arméniens de souche que la majorité d’un public auquel manquent bien des informations et des repères, nécessaires pour saisir en profondeur allusions et évocations.

GardenLovers2Garden Lovers de Virpi Suutari, Finlande
Comment faire perdurer l’amour? Pour répondre à cette question, la réalisatrice propose de rencontrer quelques couples, majoritairement âgés et tous, à l’exception de l’un d’eux, hérérosexuels, ayant en commun la passion du jardinage. Déambulant dans des jardins fleuris, filmés souvent à la meilleure saison et par beau temps, quelques conjoints évoquent leurs relations fortes et durables. Mais tout semble si parfait, si harmonieux qu’il se dégage de ce film l’impression de se promener au jardin d’Eden avant d’en être chassés... Et s’il faut se  réjouir de la longévité desdits couples, le modèle fusionnel  paraît être le seul à retenir. L’idéalisation permet ici l’esthétisme, mais à quelle réalité renvoie-t-elle ? Parcours subjectif et personnel qu’offre donc Virpi Suutari en hommage à son père qui l’initia à cet art de vivre qu’est le jardinage.

Pelikans in the Desert de Kairish Viestur, Lettonie
Le Latgale, aux confins est de l’Europe, est un monde qui remonte à la mémoire du cinéaste. Il a passé son enfance dans ces villages où le catholicisme traditionnel a évincé le judaïsme disparu dans la shoah. C’est une sorte de monde rêvé d’autrefois qui dicte de magnifiques plans de paysages au-dessus des lacs, mais un monde rural pétri de traditions religieuses peu explicites et marquées par la mort qui semble accompagner de nombreux rituels. Et la musique ouvre encore d’autres pistes. Toutefois le réalisateur, qui  ne veut pas se montrer didactique sur sa chère contrée, n’empêche-t-il pas du même coup au spectateur de comprendre ce qu’il voit et de l’approcher avec plus d’intérêt et d’attention ?

Quelques jours ensemble de Stéphane Breton,  France
QqesJoursEns2Le réalisateur  a décidé de se rendre par le train de Moscou à Vladivostok, ce qui lui offre l’occasion de rencontres insolites. C’est que dans ce wagon troisième classe  se croisent tant quelques Moscovites allant retrouver leur famille qu’une poignée de conscrits allant effectuer leur service aux confins de la Russie. Tous ces gens sont filmés à hauteur d’homme, à la distance qui respecte l’autre. Parmi eux, un ancien tankiste, une force de la nature que tous semblent connaître et qui se pose presque en capitaine.

L’humanité est au rendez-vous, mais les dialogues ne vont guère loin, ce qui est probablement dû au fait que les échanges ne peuvent avoir lieu qu’en anglais.  Au fur à mesure que les centaines de km sont avalées, froid et brouillard s’installent, presqu’autant à l’intérieur des êtres que dans l’environnement traversé, alors qu’en finale une rare émotion sourd d’un souvenir de guerre récente hantant encore une mémoire et un vécu.

Révolution industrielle de Tiago Hespanha et Frederico Lobo, Portugal
En ouverture et finale, quelques clichés noir-blanc d’un monde disparu pré industriel,  dans la ville du Rio  Ave (Portugal). Hier on travaillait de jour, aujourd’hui, suite à l’électrification rendue possible par le fleuve, jour et nuit s’enchaînent : plus rien ne s’arrête. Hier on croyait à l’ordre et au progrès, aujourd’hui, suite aux usines (textiles), on  déchante. Les usines n’ont duré qu’un temps, vides, elles sont devenues terrain de jeux pour jeunes désœuvrés. Un ancien descend le fleuve et laisse remonter les voix et les souvenirs, attentes d’hier, déceptions d’aujourd’hui. Et lorsqu’il atteint l’embouchure, il fait face, fragile sur sa barque, à un container sans âme. Sans lendemain ?

See no Evil de Jos de Putter, Hollande/Belgique
Ce documentaire étonnant dépeint le quotidien de trois chimpanzés célèbres. Cheeta, dernier survivant des fils sur Tarzan, qui fête devant la caméra et quelques proches de son propriétaire ses 80 ans (!) ; KanziSeeNoEvil2, le singe le plus intelligent de la planète, et Knuckles, ancien héros de l’ère spatiale, aujourd’hui paralysé suite aux expériences dont il a été l’objet. Le spectateur voyeur hésite entre répulsion, dérangement, humour grinçant, et compassion. Car n’est-il pas impossible de projeter des sentiments humains sur l’attitude et les regards de ces « cousins » ? Aussi ce film interroge-t-il le droit de l’animal, son respect, et ne manque pas de soulever bien des questions sur ce qui différencie le chimpanzé de l’homme. La frontière nature culture semble bien fragile et, par exemple, lorsque Knuckles se rend au cimetière des siens, que perçoit-il véritablement ?

Shado’Man de  Boris Gerrets, Hollande/France
Avant quelque image, un bruit, celui de béquilles frappant le sol, une nuit comme les autres à Freetown, Sierra Leone. Estropiés, amputés, aveugles, tous mal aimés, mal heureux, marginaux vivent ou plutôt survivent au cœur de la rue. En quête d’amour et de dignité, d’avenir et de travail, jeunes hommes et jeunes femmes cherchent à s’en sortir. Magnifiquement filmés et suivis dans une nuit sans fin – comme une métaphore –, des êtres oscillent entre fiction et réalité, au risque d’empêcher  la compassion de naître.

SleeplessNY2Sleepless in New York de Christian Frei, Suisse
Etre plaqué(e), voir une histoire d’amour s’interrompre brusquement peut surprendre, voire terrasser, avec une violence peu commune.

Alley, Michael et Rosey sont pris dans ce tsunami intérieur. Reprendre pied quand on est désespérément en manque de l’autre  dont l’image devient tourne à l’obsession ?

Trois êtres laissent la caméra suivre leurs tourments au fil des jours et des mois, alors qu’une anthropologue pose un regard distancié comme pour mieux souligné que les comportements humains – somme toute primitifs – sont moins bien moins rationnels qu’on ne voudrait le croire et remontent très loin dans le temps.

Städtebewohner (Citadins) de Thomas Heise, Allemagne
Encadrée par quelques poèmes de Berthold Brecht,  une prison pour jeunes délinquants au Mexique révèle quelques-unes de ses strates au travers du personnel pénitentiaire et de quelques détenus. Qui a commis quoi ? On en saura fort peu dans ce documentaire en noir-blanc qui s’apparente à une radiographie qu’il s’agit d’interpréter, tant le sens échappe à celui qui ne fait que voir ou entendre (si peu). Atmosphères lourdes, froides, des destinées se jouent, quelques rêves s’expriment, mais qui feint d’y croire ? Un jeune se déclare innocent de ce dont on l’accuse, mais « c’est compliqué », dit-il. Et la complexité est ici enfermante, d’autant plus qu’elle est celle d’un système qui s’étend peut-être bien au-delà des murs de cette prison.

Territoire de la liberté de Alexander Kuznetsov, Russie/France
Aux abords de la grande ville de Krasnoïarsk, une petite centaine de gens fréquentent régulièrement la réserve naturelle des Stolbys. Organisés en petites communautés – dont le cinéaste fait partie –, hommes, femmes et enfants vivent là une sorte de contre-société utopique, libérée de toute entrave politique ou religieuse, en opposition à la vie urbaine toute proche où tout engagement ou critique semble surveillé. Aussi, ces « stolbystes » s’efforcent-ils de transmettre leur attachement à une liberté éprouvée, non par quelques discours, mais par leur manière de vivre en communauté et par leur rapport à une nature rude qui développe la discipline et l’engagement. C’est d’ailleurs dans ce geste de transmission que le film se montre le plus convaincant et non dans un geste de résistance que les images suggèrent sans évidence.

Forest2The Forest de Sinisa Dragin, Roumanie/Serbie
Prix du Jury Régionyon pour le long métrage le plus innovant de la Compétition internationale
A partir du désir de connaître le destin d’un tableau de Ion Andreescu «intitutlé « Forêt sans feuilles » et offert en 1947  par le gouvernement roumain au Maréchal Tito, Radu Bogdan relit l’histoire conflictuelle, du genre « je t’aime moi non plus », de ces deux pays. Du coup, le tableau, représentant une forêt d’arbres dénudés en hiver, permet une métaphore politique et ce d’autant plus qu’une histoire d’espionnage s’y insère.

Que reste-t-il aujourd’hui de cette œuvre et des deux pays dont elle célébra l’amitié, c’est la question que les dernières longues minutes du film s’emploient à soulever cette question sur un ton désabusé.

Those who Go Those who Stay de Ruth Beckermann, Autriche
Ceux qui s’en vont, ceux qui restent conduit à rencontrer des hommes et femmes qui ont été contraints à l’émigration ou qui ont décidé de rester dans leur pays alors que tout ou presque les invitait à fuir. Hommes et femmes, d’Europe, d’Afrique du Nord, d’Israël… offrent autant de fenêtres d’un kaléidoscope, enchanteur par instant, désenchanté à d’autres.  A l’image d’un monde en plein changement où les frontières externes s’effacent à la dans leurs plus lointains déplacements.

ThuleTuvalu de Matthias von Gunten, Suisse
Sesterce d’argent attribué au Meilleur film suisseThuleTuvalu1

Aux deux lieux les plus opposés de la planète, la mer est la ressource principale, mais les conditions changent et la vie des hommes pourrait bien en être altérée.

Rasmus vit à Thulé (Groenland) et comprend que, demain, ses enfants ne pourront probablement plus être chasseurs et qu’en même temps s’offrent à eux des possibilités de formation inédites hier.

Patrick, à Tuvalu, minuscule île-Etat polynésienne, est inquiet : dans quelques années, la mer aura recouvert son île ou tout du moins forcé l’exil.

Plutôt que de lancer une nième alerte aux dangers du réchauffement climatique, le réalisateur tente de comprendre  comment ces populations éprouvent au quotidien ces mutations en cours, comment elles y font ou y feront face, comment tradition et culture sont remises en question.

Sans juger ni donner de leçon, il conduit son spectateur dans des lieux de grande beauté où les images comptent bien moins que ce qui porte ou ronge la vie en cours.

Les tourmentes de Pierre-Yves Vandeweerd, Belgique/France
Le réalisateur belge poursuit son œuvre de faire mémoire, en proposant  un récit filmique tourné en Corrèze. L’on y suit un troupeau de moutons et sa bergère par tous les temps, surtout en hiver alors que se fait entendre constamment un vent d’une rare violence. Dans cette contrée sauvage, des centaines d’hommes et de femmes furent internés à l’asile de Saint-Alban et ce sont leur noms  qui s’égrènent au long d’un récit exprimé en occitan, comme une légende où la nature et les bêtes conjuguent leurs efforts pour  garder la mémoire des ces tourmentés. Les images sont d’une rare beauté, les voix fortes, les visages burinés et inquiets, bref tout est ici au service d’un  non effacement, d’une mémoire, même des plus petits.


Quelques films remarquables parmi les autres sections

Autofocus2Autofocus de Boris Poljak, Croatie
Sesterce d’or attribué au Meilleur court métrage de la Compétition internationale
Idée aussi simple qu’efficace. Une caméra et une prise de son  aux abords d’une petite église du XIIe siècle, figurant dans tous les guides et juchée sur un monticule au bout de l’horizon, avec un arbre unique à flanc de colline.

Décor d’une carte postale de Croatie, lieu de passage obligé des touristes en provenance du monde entiers, seuls, en couple ou en famille. A partir de ce dispositif, le réalisateur révèle bien des comportements attestant que l’humain  succombe bien  souvent au nombrilisme photographique en imaginant toutes les mises en scène possibles.

Ainsi Boris Poljak livre-t-il un petit bijou oscillant entre tendresse, humour et émotion.

Iranien de Ma Tamadon, France/Iran
Prix Buyens-Chagoll pour une œuvre à dimension humaniste
Le réalisateur a mis trois ans pour les réunir dans la maison de sa mère en Iran : quatre mollahs avec lesquels, des heures durant,  il converse sur les conditions d’un vivre ensemble, à partir du lieu même où ils se trouvent. Hélas, le déséquilibre est au rendez-vous de cette réalisation analogue, hormis les coupes nombreuses, à la télé-réalité. Ils sont quatre, il est seul ; ils maîtrisent parfaitement l’argumentation et le discours, alors que lui n’est pas un homme de parole. Au final, les clichés mutuels se seront-ils effacés ?  Rien n’est moins sûr, d’autant plus que l’option du huis clos, où la liberté d’expression est plus feinte que réelle, induit peu à peu une autre opinion.

Mashti Ismaeil de Mahdi Zamapoor, Iran
Sesterce d’or attribué au Meilleur moyen métrage de la Compétition internationale    Ismaeli2
L’Iranien qui donne son nom  à ce film est un homme simple, qui se rend fréquemment à trois heures de marche de la ville pour cultiver une rizière. La marche est longue, les travaux qui l’attendent astreignants, etc. Pourtant rien ne le rebute, au contraire ; aussi n’hésite-t-il pas à réparer un toit, grimper sur un arbre pour y cueillir des noix, se préparer son thé…

Rien d’étonnant hormis le fait que cet homme  est aveugle et qu’il a un goût d’existence et une manière de recevoir la vie magnifiques, qu’il partage avec son ami Nasir. La nature qui l’environne est mise en valeur par des longs plans de grande beauté qui font écho à la foi de ce musulman pour lequel chaque instant se célèbre.

Optimistes2Les Optimistes de Gunhild Westhagen Magnor, Norvège
Ce documentaire – offert en ouverture de Festival – offre une leçon de joie de vivre rafraîchissante. A l’heure où la vieillesse ne cesse de faire peur et d’être réduite à son coût pour la société, l’histoire d’une équipe sénior féminine norvégienne de volley-ball est bienvenue. Alors qu’une quinzaine de femmes âgées – dont Goro, 98 ans – s’entraîne entre elles depuis des années, l’équipe se fixe un nouveau défi : affronter une équipe adverse.

Et ce match amical opposera les Optimistes norvégiennes à une équipe masculine de séniors suédois. Il s’agit donc de redoubler les entraînements, d’offrir des T-shirts, de financer le déplacement, etc.

Tâches et engagements ne manquent pas pour toutes ces femmes fragiles quand bien même, quotidiennement, elles prennent soin de leur état de santé.

Cette aventure est heureusement filmée avec tendresse, respect et humour, sans du tout cacher les interrogations profondes qui ébranlent l’une ou l’autre joueuse devant la maladie ou la mort qui peut-être demain…

Waiting for August de Teodora Ana Mihai, Belgique/Roumanie
Ils sont six frères et sœurs dans cette famille appelée à se débrouiller seule, vu que leur mère a trouvé du travail à l’étranger et qu’il ne semble pas y avoir de père. Voici donc Georgiana, quinze ans, responsabilisée et livrée  à elle-même pour organiser le quotidien tout au long des mois qui s’écoulent. De temps à autre s’établit un contact avec la mère via Skype : ce sont de lourdes minutes où la maman tente tout à la fois de conserver son autorité et de  rendre palpable son affection qu’elle distille par l’envoi régulier d’argent et de paquets cadeaux dont les contenus sont souvent inutiles. Tourné au plus près de tous ces enfants qui ne semblent jamais prendre garde à la caméra, ce film sensible révèle une situation sociale qui fait appel à toute la résilience dont sont capables ces enfants et ados qui comptent mois, semaines, jours qui les séparent du retour de leur maman pour les vacances, en août prochain.

En sus, ont été primés  les films suivants :

- Dieu et les chiens du Collectif Abounaddara, Syrie, Court métrage le plus innovant de la Compétition internationale
- Propaganda du collectif MAFI, Chili, Moyen métrage le plus innovant de la Compétition internationale
- Je suis Femen de Alain Margot, Suisse, Long ou moyen métrage le plus innovant, toutes sections confondues
- El Tiempo Nublado de Arami Ullón, Suisse/Paraguay, Sesterce d’argent  pour le premier long métrage
- PS Sao Paulo de Leni Huyghe, Brésil, Meilleur film de la section Premiers Pas
- KinoPoezd : Russkaya Zima de Cristina Picchi, Tristant Daws, Dieter Deswarte, Benny Jaberg, Sandhya Daisy Sundaram, Bernadett Tuza-Ritter, France, Prix du Public

serge molla